Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Intervention lors de la14ème Commémoration du Génocide des Tutsi commis au Rwanda en 1994

Publié le par Ahmed Mouhssin

Ahmed Mouhssin - avril 2008
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Aujourd'hui, la commémoration qui nous rassemble a une signification forte.

Nombre de personnes qui composent cette assemblée ont été victimes ou proches des victimes du génocide qui a frappé le Rwanda en 1994.

Pour beaucoup d'entre vous, ce génocide est une part de votre histoire personnelle. Une histoire douloureuse, dramatique et cette cérémonie nous rappelle que cette histoire nous concerne tous.

 

Ce n'est pas au travers de l'histoire de ma famille ou de ma communauté que j'ai découvert votre drame. Etant d'origine marocaine, la question du génocide ne fait pas partie des événements dont la transmission se fait dans le discours familial ou social.

Non, c'est au travers de mon militantisme au MRAX, de mon engagement de conseiller communal écologiste et de mes rencontres que j'ai pris conscience de l'importance du travail de mémoire sur la question des génocides.

 

Je suis conseiller communal à Saint-Josse et j'ai constaté que la violence et la haine peuvent se déchaîner dans nos rues plus de 90 ans après le génocide arménien parce que le travail de mémoire n'a pas été suffisamment fait. Car "Celui qui ne connaît pas l'histoire est condamné à la revivre."

Dans ma commune de Saint-Josse, petite commune bruxelloise, symbole de la diversité, des jeunes qui ne connaissent pas l'histoire ont durant plusieurs jours provoqué des émeutes.

C'était le 24 octobre 2007, ma commune a été le théâtre d'actes de violences à caractère raciste et ultra-nationaliste.

Des jeunes issus de la communauté turque avaient été poussé à la violence par certains médias ultra-nationalistes turques, et on sait à quel point l'instrumentalisation des médias à des fins de propagande peut attiser la haine.

Des dizaines de jeunes ont saccagé un café. Le choix de ce lieu était dicté par un seul motif, son propriétaire était « Arménien ».

 

Ceci me renforce dans l'idée que la prise de position en 2005, du Président du MRAX, monsieur Radouane Bouhlal, de mener un combat pour amender la loi du 23 mars 1995, est et doit rester une priorité.

Il est fondamental d'élargir la loi qui réprime la négation du génocide commis par le régime nazi aux deux autres génocides du 20 ème siècle,à savoir le génocide commis par le régime jeune-turc ottoman et le génocide commis par le régime hutu power rwandais en 19941 .

 

Je rappelerai donc la promesse qui avait été faite en 2005, par le ministre de justice de l'époque. Il était prévu de revenir sur le projet de loi concernant la pénalisation des génocides lorsque le climat serait plus serein. Ce temps, me semble-t-il est venu et j'espère que dans les mois prochains, les hommes et femmes politiques de bonne volonté, et ils sont nombreux, relanceront le dossier au niveau fédéral.

 

Votre tragédie, je l'ai véritablement découverte qu'en 1999 en entendant la voix de Yolande Mukagasana sur la scène du théâtre national. Seule au milieu de la scène elle déclarait : " Je ne suis pas une comédienne, je suis une rescapée du génocide ".

Ces première paroles du spectacle « RWANDA 94 », me firent prendre conscience que les exactions commises en 1994 au Rwanda, c'était un million de fois la mort qui frappait ce pays de manière horrible.

Yolande ne raconta pas le drame qui frappa sa famille et son pays pour se lamenter. Se souvenir du passé, ce n’est pas ressasser les rancoeurs, c'est construire les conditions d'un mieux vivre ensemble, voilà qui donne tout son sens à l’idée même de témoignage.

Car témoigner, c'est garder en mémoire ce que des hommes sont capables de faire à d’autres hommes lorsqu'ils sont animés par la haine.

Témoigner, c'est aussi rappeler le courage de ceux qui ont pu résister et qui ont survécu.

Le témoignage de Yolande rendait cette souffrance et ce courage concrets.

 

Il faut lutter contre ceux qui veulent diviser et créer des motifs de haine et ainsi permettre aux gens de paix de construire un avenir meilleur dans le respect de l'autre.

Il faut aussi mettre fin à l'impunité de ceux et celles qui voudraient encore faire offense à la mémoire des victimes des génocides et de leurs survivants.

 

La commémoration qui nous réunit ce soir, pour nous souvenir est le meilleur moyen de lutter contre ceux qui veulent encore nier cette tragédie.

Je remercie donc l'association Ibuka, pour cette initiative annuelle, car ce moment de recueillement nous permet de rendre hommage aux victimes et à leurs familles.

Je salue également les associations juives et arméniennes présentent ce soir.

La devise nationale belge est : « L'union fait la force» , ce soir, elle prend tout son sens lorsqu'on voit toutes ces organisations militer ensemble de manière active pour ne pas oublier les victimes.

 

 

Je m'associe donc à la peine des famille et à leur combat.

1http://www.armenews.com/article.php3?id_article=20597

Commenter cet article